Aurore
Gebleux, autrice, bibliothécaire et animatrice radio à Compiègne
partage avec nous son expérience de l’enseignement de l’écriture
radiophonique et nous explique en quoi consiste cette forme spéciale
d’écriture vivante.
« Je suis animatrice radio, bénévole, pour radio Graf'hit (94.9 FM et grafhit.net) à Compiègne et c'est en pratiquant cette activité que je me suis rendue compte de tout ce que la radio demandait comme compétences humaines. Savoir-faire que j'ai alors choisi de partager via des ateliers d'écriture radio pour former des chroniqueurs amateurs, de divers horizons.
Les chroniqueurs en herbe que je forme
commencent parfois très jeunes. Mon benjamin a commencé dès l'âge
de 10 ans ! J'ai ensuite eu des participants de tous âges.
Disons juste qu'il n'y a pas de limite d’âge pour s’initier à
la pratique radiophonique. L'autrice Patricia Fosse est l'une des
participantes à ces ateliers radio. Le thème qu'elle a choisi pour
les deux dernières saisons est : La Littérature, l'Argent
et Nous. À chaque chronique, elle nous partage l'analyse d'une
de ses lectures qui traite du thème de l'argent et le met en rapport
avec un fait de société actuel. D'autres ont choisi des thèmes
autour du développement personnel, de l'écologie, des addictions,
du féminisme, du sport ou encore des voyages. La liste n'est pas
exhaustive.
Une méthode adaptée
L’écriture de chronique
radio suit un procédé bien particulier. Outre le choix du sujet,
qui dépend essentiellement de vos appétences, il faut prendre en
compte le type d’émissions dans lequel vos chroniques vont
s’inscrire. Dès la première saison d’ateliers, nous avons fait
le choix collectif que l’émission serait une matinale. Cela
implique un certain dynamisme dans le rythme et laisse un choix varié
de sujets. Nous avons exclus les sujets polémiques ou qui traitent
d’une actualité trop brûlante. Ensuite, il y a une phase
d’entraînement à l’écrit. On n’écrit pas une chronique
comme on écrit un roman ou une recette de cuisine. Il faut prendre
en main la méthode. Étant donné que c’est un écrit qui vise à
être entendu par des auditeurs de radio, il y a aussi une phase
d’entraînement oral et d’exercices issus de techniques
théâtrales. Une grande partie des ateliers est consacrée à
l’échange constructif autour des productions de chacun afin
d’améliorer son écrit. Enfin, il y a la phase finale :
l’enregistrement en studio de l’émission.
Vous l’aurez compris, il est très important que chaque production soit ensuite enregistrée dans le cadre d'une émission dédiée car c’est là le but ultime des ateliers. L'Amat'inale Infernale est le résultat de dizaines d'heures d'ateliers et de travail de la part des chroniqueurs. Mais c'est aussi la récompense.
Après tout ce labeur (et les parties de rigolades qui vont avec, parce que j'aime travailler dans la bonne humeur et dans une ambiance détendue), les apprentis chroniqueurs goûtent à l'essence même de la radio. Nous enregistrons l'émission dans les conditions du direct. Chacun énonce une chronique sur le thème qu'il a choisi, j'anime et m'occupe des transitions ainsi que des pauses musicales. Mais derrière, nous ne faisons pas de montage. Je veux qu'ils restent concentrés, qu'ils sentent l'adrénaline monter au moment de prendre l'antenne et le plaisir de parler au micro. Pour les plus curieux d'entre vous, vous pouvez écouter tous les podcasts des émissions passées.
Un
outil pédagogique fort
J'ai proposé ce programme
de formation à des classes de collèges et de lycée, qui s'en sont
trouvées ravies ! J'interviens dans les classes pour la partie
écriture et si la logistique le permet, les élèves se déplacent
au studio pour l'enregistrement. Sinon, j'amène un matériel
pédagogique à eux et nous bouclons l'émission entre les murs de
l'école. Retrouvez toutes mes propositions
d'intervention en classe dans mon catalogue. D'ailleurs, il y a
depuis peu un regain des établissements scolaires pour la création
de web radio en leur sein. Ce média éducatif vient en appui des
apprentissages classiques. Qu'est-ce qui fait alors que ce média,
qu'on aurait pu croire sur le déclin, attire autant ?
Devenir
chroniqueur radio, ça ne s'improvise pas. Ce qu'il y a d'assez
formidable dans cette activité, c'est qu'elle combine de multiples
compétences. La vidéo aussi qui a le vent en poupe me direz-vous …
Oui, mais lorsque vous regardez la télévision ou une vidéo de
réseaux sociaux, que faites-vous d'autre ? En général,
lorsque vous regardez la télé ou votre téléphone, vous êtes
scotché devant. Et vous ne faites rien d'autre. Pourquoi ?
Parce que l'image vous appelle, vous hypnotise et vous engloutit.
Mais que faites-vous lorsque vous écoutez la radio ? Vous
conduisez, vous cuisinez ? Vous faites le ménage peut-être ?
En tout cas, vous êtes rarement assis sur une chaise, concentré à
écouter l'émission qui passe sur les ondes. C'est pour cette exacte
raison que la radio est un exercice beaucoup plus complet et complexe
qu'il n'y paraît. »
Des
compétences et des savoir-être multiples
Selon le CLEMI
(Centre pour l'Éducation aux Médias et à l'Information) :
« la création d'une web radio dans une école est un "outil
médiatique complet de l’apprentissage, la radio conjugue le
travail sur les différents modes d’expression que sont l’oralité
et l’écriture avec celui des techniques de création, de
production et de diffusion en ligne ».
« En effet, la
radio offre une double exposition : il faut pouvoir écrire
correctement pour préparer son intervention mais le chroniqueur doit
aussi travailler son oral pour se sentir à l'aise au moment de
l'enregistrement. Dans mes ateliers, nous combinons habilement
écriture et oralité, ce qui permet de travailler implicitement sur
des savoir-être comme la confiance en soi, l'adaptabilité, la
curiosité, la gestion du stress ou le travail en équipe. Un
camarade de classe prend la parole et soudain un autre a envie de
rigoler. Si ce sont des situations que je rencontre en tout début
d'atelier, cela ne se reproduit jamais. On apprend à respecter
l'autre, son travail et son courage à passer à l'oral. On le
valorise, on le soutient, on trouve les points positifs de son
travail et on donne des conseils constructifs pour que chacun
s'améliore. Le climat convivial et bienveillant aide les
participants à prendre confiance. Pour de nombreux élèves, la
barre semble haute lors du premier atelier et puis, une fois lancés
dans l'écriture de la première chronique, certains imaginent déjà
la suivante puis celle d'après. Je ne les arrête plus !
L'accompagnement est la clé. C'est là que j'apporte la plus grande
valeur ajoutée. Pas dans la technique en elle-même (même si je
l'aborde bien entendu), pas dans l'oralité en tant que tel (puisque
je ne peux pas parler à leur place), mais dans le fait d'oser. Oser
se lancer, oser parler devant les autres, oser écrire sur un
sujet qui nous plaît, oser le lire à haute voix devant un public et
puis, oser passer à la radio.
Écrire pour être entendu
Un auditeur de radio est un spectateur
distrait. Je le sais, vous le savez et je le répète sans arrêt à
mes chroniqueurs en herbe. Une chronique est un écrit court. Plus
court que cet article. On pourrait croire que c'est donc un exercice
facile. Détrompez-vous ! Faire court, tout en ayant un contenu
organisé, intéressant, précis, élaboré, est un exercice très
difficile. En plus de travailler sur le fond, la chronique demande
également un travail sur la forme. Le texte doit être structuré
pour ne pas perdre l'auditeur. Nous avons dit que notre auditeur
était distrait par nature, il faut donc réussir à capter son
attention et à la garder avec nous durant toute la chronique radio.
Cela implique des rebondissements qui prendront la forme
d'interactions avec les autres chroniqueurs, de questions
rhétoriques, des exemples parlants à la capacité visuelle forte.
En plus d'une méthodologie bien rôdée, nous pratiquons des
exercices visant à travailler nos accroches. Je suis adepte du
partage et de la force de l'intelligence collective. Nous débriefons
donc toujours un premier jet ensemble. Les erreurs des uns sont des
leçons pour tous. Nous pouvons exprimer nos désaccord aussi et
cette liberté d'expression garde le groupe uni. »
Des
exercices multiples mêlant oralité, écrit et jeux
afin de se
préparer à prendre l'antenne
« À cette partie écrite, il
faut ajouter le travail oral. Ne pas négliger l'importance du ton,
du rythme de la voix et de l'humour aussi. N'oublions pas que
l'émission finale est une matinale et personne n'a envie de se
prendre la tête dès le matin. Un brin d'humour, ou une bonne dose,
selon notre personnalité (sans forcer), est toujours agréable à
écouter. Un simple sourire dans notre diction, tout s'entend, tout
se transmet. À cette fin, nous faisons de nombreux exercices qui
passent souvent par le jeu et qui sont inspirés des techniques
théâtrales.
L'alliance d'un écrit bien construit
et d'une voix dynamique est la clé d'une bonne chronique. Quand on a
osé accomplir ce travail écrit, ce travail sur soi aussi, quel sont
les sentiments qui nous viennent ? Je crois qu'on peut être
fier de soi, qu'on a gagné quelque chose de plus important que notre
production finale. Au moment de la diffusion des émissions, j'invite
les participants à relayer leur passage auprès de leur réseau. Il
faut faire la promotion de ce qu'on a réussi à accomplir.
Notre
récompense c'est la fierté d'avoir osé tout ça et d'avoir délivré
notre message au monde. Oui, oui, rien que ça ! »
Aurore Gebleux
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