A propos du livre : René Magritte, « Les
Mots et les
images ». Postface d’Eric Clémens.
Édition Espace Nord
2017, format
12x18,5 cm, 263
pages. Prix 10€.
Il s’agit d’un recueil de textes dont voici l’inventaire : des articles sur la Peinture, sur la Poésie, sur le Monde, sur la Pensée de Magritte (1898-1967), un scénario, des critiques picturales, des avis sur plusieurs peintres, de la provocation dans des tracts, une esquisse autobiographique, des avis sur des films et des cinéastes que vous découvrirez en lisant le livre, des textes inventifs et humoristiques, des interviews, des lettres et pas de raton laveur.
Un
petit livre génial pour les amateurs de créativité, pour ceux
qui veulent élever leur niveau de réflexion, pour les peintres
évidemment. Un petit livre inspirant pour tous les esprits ouverts
ou ceux qui aspirent à s’affranchir un peu ou beaucoup de leur
façon de penser ordinaire, habituelle ou conformiste.
On est dans la tête
de Magritte et ça décoiffe !
Magritte
a peint, Magritte a réfléchi en profondeur, Magritte a écrit
aussi. Notamment les titres de ses tableaux qui participent de leurs
énigmes.
Magritte
peignait pour approfondir la connaissance du Monde.
Je me suis intéressée aux tableaux de Magritte, il y a plusieurs années, lorsque j’ai créé un module d’interprétation des rêves car à mon avis et bien qu’il s’en défende (ce n’était pas non plus son centre d’intérêt), il y a une analogie entre les rêves, ses peintures et même les images poétiques que le lecteur néophyte ne comprend pas, tant elles lui semblent étranges, c’est à dire non familières.
Non, on n’a pas encore inventé la zapette à phrases trop longues, d’ailleurs la plupart des gens rêvent d’avoir une vie longue et heureuse . Vous ne voyez pas le rapport ? Il faut tenir dans la durée et surmonter les difficultés...
Ses tableaux comme certains rêves, comme certaines poésies nous stupéfient.
En se posant la question du rôle de ces constructions spirituelles, au-delà du mécanisme de l’esprit qui produit ces images, on n’est plus dans l’effet qu’elles produisent, mais dans une interprétation explicative comme l’écrit Magritte. C’est peut-être dommage de zapper l’effet du tableau sur soi, de chasser trop vite l’image de la conscience, pour passer à autre chose.
C’était un vrai et grand créateur libre, audacieux, provocant.
Peintre de la pensée et de la poésie, Magritte a voulu penser l’impossible, l’impensable au-delà du Sens ; c’est à dire l’impensé. Ce qui déroute complètement le spectateur de ses œuvres car il ne peut se laisser aller à une pensée routinière.
Ses
peintures défient le sens logique, la gravité terrestre et
sont volontairement libérées de l’injonction esthétique qui
filtre la réalité. Il s’agit d’obtenir une image qui résiste à
toute explication.
Comment ? En montrant des objets situés
là où nous ne les rencontrons jamais.
Il
voulait traduire en image une expérience de pensée. Il ne voulait
pas d’interprétation de ses œuvres. En recherchant
systématiquement un effet poétique bouleversant.
Magritte se définit comme un peintre du mystère qu’il affectionne.
Il s’est intéressé aux relations entre le réel, l’image et le mot.
Il s’opposait au qualificatif « nouveau » concernant sa peinture, car il peint le mystère et celui-ci ne se situe pas dans le temps. Il critique et remet en cause la philosophie et ce qui est est un lourd poids du passé, empêchant d’imaginer de nouveaux possibles.
Magritte
: un peintre hors système ?
« Les critiques d’art,
écrivant sur du « génie » de Raphaël ou de Gauguin,
tentent de prouver une supériorité technique, physique de ces
artistes sur d’autres qu’ils estiment moins adroits, moins
féconds. Le génie de la peinture de Magritte est d’une autre
sorte, il est comme un fait, comme un état sans valeur
comparative ».
Focus
sur :
Les
chroniques de
la peinture comme :
-
celle sur l’exposition Georges Braque au palais des beaux Arts de
Bruxelles. Pédagogique, elle explique comment la peinture a évolué,
ce qu’apporte certains peintres mais une question plus profonde
émerge au-delà d’une tentative de copier la réalité.
-
L’analyse approfondie de nouvelles façons de peindre et de
certains peintres : Picabia, Permantier, Max Ernst.
-
La description de ce qui change dans l’art et la peinture des
nouveaux artistes : Chirico, Ersnt, Derain, dans la mouvement
d’une peinture dite surréaliste.
Les techniques utilisées dans ses toiles : le dépaysement des objets, la création d’objets nouveaux, le changement de matière, l’emploi de mots associés aux images, des représentations de visions de demi-sommeil pour que les objets ordinaires deviennent sensationnels. Le choix des titres des tableaux doit reposer sur la poésie.
Des
idées créatives : dans la manufacture de poésie
on trouve répertoriées :
-
une horloge en fa, engin pour dessus de cheminée, destiné à
neutraliser la notion du temps.
- La machine universelle à
faire des tableaux et le rouleau verbal, qui permet la confection
d’un nombre incalculable de poèmes.
- Le calepin
d’omniscience recharge permanente des processus d’idéation.
Tiens une ressemblance avec l’IA !
Des
citations :
« L’intelligence
de l’exactitude n’empêche pas le plaisir de l’inexactitude ».
« L’art pensait justement Hegel, se dégrade en imitant le naturel et le psychique ; il n’a pas à imiter le monde, mais à le révéler. »
« Si un tableau pouvait être expliqué avec des mots, les mots suffiraient et le tableau serait superflu. »
« Notre
société du spectacle télévisuel diminue notre capacité de
regarder, la dilue dans un défilé visuel uniforme, qui nous
entraîne de la saturation à l’indifférence ».
Eric
Clémens, in René Magritte, Les mots et les Images
Quelques
titres de tableaux :
La durée poignardée, L’empire des lumières,
Le jockey perdu.
Les titres choisis par Magritte
eux-mêmes contribuent au mystère pictural.
Découvrir les visuels des tableaux :
https://www.wikiart.org/fr/rene-magritte