C'est un livre finement drôle dont la peinture sociale est tout à fait actuelle malgré son ancienneté (publié en français en 1959, le texte russe original date de 1859).
La seule exception concerne l'art de la relation amoureuse qui de nos jours se consomme aussi rapidement qu'un plat cuisiné tout préparé enfourné aux micro-ondes plutôt qu'elle ne se mitonne comme un ragoût cuit et recuit en cocotte pendant d'éternelles minutes où les ingrédients se mélangent et fusionnent doucement, progressivement, lentement.
En ce temps là, jeunes demoiselles et jeunes messieurs, on ne couchait jamais le premier soir. C'était inimaginable, et pourtant on vivait moins longtemps ! Une jeune fille de bonne famille qui se serait compromise en passant simplement un moment en tête à tête avec un jeune homme, sans y être autorisée par ses parents aurait été mise au banc de la société. Les jeunes gens apprenaient à maîtriser leur désir amoureux.
Parfois leur tension sexuelle était si grande du fait de leur désir inassouvi, qu'ils en éprouvaient quelques symptômes et malaises physiques. Les médecins heureusement savaient diagnostiquer : la fameuse maladie d'amour !
Plus de cent pages sont consacrées à l'alchimie amoureuse entre Oblomov et Olga. Depuis la naissance de leur attirance, jusqu'à la décision de leurs fiançailles en passant par toute l'ambivalence et les modulations de leur désir.
Oblomov, le personnage central, d'origine noble et propriétaire d'une grande ferme est un aquaboniste, un paresseux viscéral dont les élans motivés ne se concrétisent jamais en dépit du soutien actif et intelligent de son meilleur ami Stolz et de sa première fiancée Olga. A sa flemme s'ajoutent l'indécision, le rêverie, et la procrastination.
Malgré son extrême laisser aller et sa naïveté, l'auteur réussit à nous le rendre attachant.
Il a par exemple une vision de la littérature qualifiée « d'humanitarisme » très perspicace.
Sa perception des écrivains est telle que tous les auteurs souriront de s'y reconnaître.
Avec son comportement, certes tout à fait critiquable, sans être anti-social, Oblomov n'en est pas moins un rebelle pacifique qui se contrefiche éperdument de la productivité quelle qu'elle soit : agricole, administrative et même littéraire.
Alors ce n'est pas un livre qui vous rendra « addict » vous pouvez le lire tranquillement, il vous reposera des thrillers.
Si vous êtes du genre hyperactif comme la veuve Agafia, et si vous ne savez vraiment pas comment fainéanter de temps en temps, lisez ce livre, il pourra vous inspirer.