Le surréalisme a cent ans, le surréalisme ça s'entend

"Je crois en la résolution future de ces deux états en apparence si contradictoiresque sont le rêve et la réalité en une sorte de réalité absolue de surréalité." André Breton

Le manifeste du surréalisme a été publié en octobre 1924 à Paris, cette publication coïncide avec la naissance de ce mouvement, nous célébrons cette année son centenaire.
Ce mouvement voulait faire entrer la nature, le merveilleux dans la réalité pénible et difficile d’après guerre : on pleurait beaucoup de morts et de personnes handicapées, il fallait reconstruire sur les ruines consécutives aux conflits armés.

Les surréalistes avaient le désir de s’affranchir du matérialisme et du rationalisme à outrance qui avait conduit au chaos.

Je trouve personnellement que le courant de pensée du surréalisme a de nouveau toute sa place dans le contexte actuel.

Le contexte d’apparition du surréalisme
Alors que le monde a traversé son premier grand conflit moderne (la Première Guerre mondiale), que Freud a découvert la psychanalyse et étudié la folie, le surréalisme va émerger et donner un visage artistique à ce contexte troublé.

Le Surréalisme est donc né en 1924. La même année, André Breton en donne sa définition dans son manifeste, le Bureau de la recherche surréaliste et la revue La Révolution surréaliste sont créés.

À partir de la théorie de l'inconscient, les surréalistes explorent le monde intérieur du moi, de ce qui est sous la conscience, et l'imaginaire. Les rêves, par exemple, sont une source constante d'inspiration pour les peintres surréalistes.

Le surréalisme, en dehors de tout principe esthétique, ne se veut pas mouvement artistique mais courant de pensée. Cependant il est essentiellement porté par de nombreux artistes.

Les surréalistes s’intéressent au rêve, au merveilleux, à l'inconscient et à la psychanalyse.
Ils pratiquent l'écriture automatique. Ils invitent le hasard dans leurs créations. Ainsi surgissent des éléments inattendus qui n'ont a priori pas de liens les uns avec les autres, ce qui créé un choc poétique écrit ou pictural.
Ils rejettent les conventions et prônent une grande liberté artistique.

La définition
rédigée par André Breton : « Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »

Ainsi l’art rompt avec les contraintes de l’esprit rationnel.
Par définition le genre surréaliste s'oppose au genre littéraire réaliste et à l’aveuglement technicien.
Le mouvement, défini par André Breton dans le Manifeste du surréalisme, repose sur le refus de toutes les constructions logiques de l'esprit et sur les valeurs de l'irrationnel, de l'absurde, du rêve, du désir et de la révolte.

Ce premier Manifeste du surréalisme prône la libération par le rêve, le dynamisme du désir et la révolution : il s'agit de « transformer le monde » et de « changer la vie » par le recours à l'inconscient, l'analogie, le jeu des mots, les coïncidences, l'esprit d'enfance, l'amour fou, l'humour subversif, le génie du merveilleux.

L’évolution du mouvement
Leur première exposition collective a lieu à Paris en 1925. Puis le mouvement se diffuse à l’étranger pour atteindre une renommée internationale avec les expositions de 1936 à Londres et à New York, de 1937 à Tokyo, de 1938 à Paris. La notoriété est renforcée par l’immigration aux États-Unis de la majeure partie du groupe pendant la guerre. Le Surréalisme a ainsi profondément inspiré l’art américain : la pratique de l’automatisme est par exemple l’une des origines du travail de Jackson Pollock
et de l’Action Painting, tandis que l’intérêt porté par les Surréalistes au thème de l’objet annonce le Pop Art.

Le Surréalisme est un mouvement qui se développe pendant plus de quarante ans, depuis les avant-gardes historiques du début du siècle jusqu’à l’émergence de nouveaux courants dans les années 60.
Le surréalisme a bouleversé l'histoire mondiale de l'art et de la littérature du XXe siècle.

Des auteurs surréalistes
Parmi les nombreux auteurs surréalistes, on retrouve : Guillaume Apollinaire, Louis Aragon, Jean Cocteau ou encore René Char.

Les artistes surréalistes mettent en œuvre la théorie de libération du désir en inventant des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve.

S’inspirant de l’œuvre de Giorgio De Chirico, unanimement reconnue comme fondatrice de l’esthétique surréaliste, ils s’efforcent de réduire le rôle de la conscience et l’intervention de la volonté. Le frottage et le collage utilisés par Max Ernst, les dessins automatiques réalisés par André Masson, les rayographes de Man Ray, en sont les premiers exemples. Peu après, Miró, Magritte et Dali produisent des images oniriques en organisant la rencontre d’éléments disparates.

Les premiers écrivains ayant adhéré au mouvement furent Paul Éluard, Louis Aragon, Antonin Artaud, Benjamin Péret, Robert Desnos, Georges Limbour, Raymond Queneau, Michel Leiris, Joseph Delteil, Pierre Naville, René Crevel, Roger Vitrac et Philippe Soupault.

Trois exemples de textes surréalistes
Extrait de « La glace sans tain », Les Champs magnétiques, André Breton et Philippe Soupault (1919)

"Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisirs. Notre bouche est plus sèche que les pages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille.

Quelquefois, le vent nous entoure de ses grandes mains froides et nous attache aux arbres découpés par le soleil. Tous, nous rions, nous chantons, mais personne ne sent plus son cœur battre. La fièvre nous abandonne.

Les gares merveilleuses ne nous abritent plus jamais : les longs couloirs nous effraient. Il faut donc étouffer encore pour vivre ces minutes plates, ces siècles en lambeaux. Nous aimions autrefois les soleils de fin d’année, les plaines étroites où nos regards coulaient comme ces fleuves impétueux de notre enfance. Il n’y a plus que des reflets dans ces bois repeuplés d’animaux absurdes, de plantes connues.

Les villes que nous ne voulons plus aimer sont mortes. Regardez autour de vous : il n’y a plus que le ciel et ces grands terrains vagues que nous finirons bien par détester. Nous touchons du doigt ces étoiles tendres qui peuplaient nos rêves. Là-bas, on nous a dit qu’il y avait des vallées prodigieuses : chevauchées perdues pour toujours dans ce Far West aussi ennuyeux qu’un musée".

Poème : « La terre est bleue » de Paul Éluard (1929). A noter : le premier vers est très connu, la suite probablement moins.

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.

Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Poème : « Dormir dormir dans les pierres » (fragment) de Benjamin Péret (1927)

Soleil route usée pierres frémissantes
Une lance d'orage frappe le monde gelé
C'est le jour des liquides qui frisent
des liquides aux oreilles de soupçon
dont la présence se cache sous le mystère des triangles
Mais voici que le monde cesse d'être gelé
et que l'orage aux yeux de paon glisse sous lui
comme un serpent qui dort sa queue dans son oreille
parce que tout est noir
les rues molles comme des gants
les gares aux gestes de miroir
les canaux dont les berges tentent vainement de saluer les nuages

et le sable
le sable qui est gelé comme une pompe
et projette au loin ses tentacules de cristal
Toutes ses tentacules n'arriveront jamais à transformer le ciel en mains

Car le ciel s'ouvre comme une huître
et les mains ne savent que se fermer sur les poutres des mers
qui salissent les regards bleus des squales
voyageurs parfumés
voyageurs sans secousses
qui contournent éternellement les sifflements avertisseurs des saules
des grands saules de piment qui tombent sur la terre comme des plumes

Fragments du roman « Aurora » de Michel Leiris (1927-1928)

« L’ennui pourtant, l’ennui qui parvient à miner les plus orgueilleuses forteresses et s’introduit sans clef dans les villes à pont-levis, par le trou des serrures, devait être la sphère corpusculaire qui percerait la muraille transparente de leurs yeux et se fixerait, au zénith de leur monde passionnel, comme un soleil mort ».

« Je dessèche la sueur du temps à grands remous de mon ventilateur Espace ».

« La finesse du miel est une couleur plus douce que la patine du temps, disait Aurora dont les prunelles élargies regardaient distraitement la pyramide s’accroître ».

Techniques spéciales les plus connues :
Cadavre exquis :
Le Cadavre exquis est le plus célèbre des jeux surréalistes, pratiqué à partir de 1925. Il consiste à composer des poèmes ou des dessins à plusieurs, chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plié, à l’insu des autres participants. Les œuvres ainsi obtenues présentent des rapprochements inattendus, comme la phrase « Le cadavre exquis boira le vin nouveau », à laquelle le jeu doit son nom.

Écriture automatique :
Inspirée de la psychanalyse, et surtout de la poésie d’Arthur Rimbaud et de Lautréamont, l’écriture automatique consiste à écrire si rapidement que la raison et les idées préconçues n’ont pas le temps d’exercer leur contrôle. Le premier texte issu de cette méthode, Les Champs magnétiques de 1919, a été rédigé tour à tour par André Breton et Philippe Soupault.

Objets surréalistes :
André Breton suggère au milieu des années 20 de fabriquer "certains de ces objets qu’on n’aperçoit qu’en rêve", et "dont le sort paraît infiniment problématique et troublant". Il s’agit d’assembler des objets déjà existants et de peu de valeur. Les surréalistes attendent du nouvel objet qu’il provoque une réaction affective, voire "une émotion sexuelle particulière" selon Salvador Dali.

- Meret Oppenheim : Déjeuner en fourrure
- Man Ray : The Gift . 
- Salvador Dali : Le canapé Bocca créé à l'origine en 1936 par en hommage à la bouche de l'actrice Mae West. 

Trois tableaux :
- The Palace of Window Rocks (1942) de Yves Tanguy
- La persistance de la mémoire (1931)avec les fameuses montres molles de Dali .
- La Querelle des universaux (1928) de René Magritte, c’est une « peinture-mots ».

Petit exercice d’écriture pour les apprentis auteurs ou les plus pros ou simplement pour s’amuser : écrivez un texte en vous inspirant de l’un des tableaux ou objets cités ci-dessus.

Exposition du centenaire au centre Pompidou
Conçue à la façon d'un labyrinthe, l'exposition « Surréalisme » est une plongée inédite dans l'exceptionnelle effervescence créative du mouvement …

Vers la vidéo de présentation de l’exposition :
https://www.youtube.com/watch?v=xI2rYajgGWI

Vers le site du centre Pompidou, d’autres informations sur l’exposition et textes lus :
https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/gGUudFS

Podcast (48 : 30) sur RFI présentation et interview de la commissaire d’exposition Marie Sarré
Sur l’affiche de l’exposition, une bien étrange créature. Un monstre anthropomorphe, avec des vêtements amples et colorés, des flots d’étoffes qui se tordent en tous sens qui se terminent par des mains qui rappellent des serres d’oiseau de proie. Au centre, au niveau du buste, se creuse un abîme d’ombre. Et juste au-dessus une tête blanche effrayante, avec une longue mâchoire édentée. Et un titre aux allures d’antiphrase, « L’ange du Foyer », une œuvre de Max Ernst, peinte en pleine guerre d’Espagne en 1937, l’année du bombardement de Guernica. Elle est également appelée « Le triomphe du surréalisme ». Elle nous interpelle, et nous rappelle que le surréalisme triomphe toujours...
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/vous-m-en-direz-des-nouvelles/20240910-centenaire-du-surr%C3%A9alisme-une-exposition-monstre-au-centre-pompidou

Podcast (22 min) Le grand entretien sur France Inter dimanche 20 octobre Exposition le surréalisme avec Marie Sarré et Adrien Goetz
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-20-octobre-2024-1855718

Pour commémorer le centenaire du surréalisme vous pouvez prendre en considération l'un de vos rêves pour écrire, peindre, sculpter... Si vous voulez en comprendre le sens, l'interpréter, c'est ici :
https://www.epanouissance.com/reves-interpretation

That’all folks ! (traduction : c’est tout !)
J'espère que vous avez fait une découverte ou redécouverte intéressante, pour ne pas dire passionnante  du mouvement surréaliste.

Source bibliographique principale : le Centre Pompidou.
Merci à Léo de PIxabay pour son illustration.


Combien de fois Carmen est-elle morte et ressuscitée ?