Dans la soirée du 12 mars 2024, se déroulait à l’espace culturel de Compiègne un spectacle mi-théâtral, mi lyrique ayant pour sujet principal la vie d’une femme morte assassinée par son avant-dernier amant : « Carmen », femme qui ne cesse de mourir et de renaître à la vie culturelle.
Carmen est à l’origine une nouvelle de Prosper Mérimée publiée en 1845 dans la revue des deux mondes. Lequel grand écrivain (Prosper), continue de prospérer à Compiègne avec une exposition dans le château.
Il y a 20 ans en
2003-2004 plusieurs spectacles titrant « Carmen »
faisaient partie de la saison culturelle compiégnoise. Cinq
représentations de Carmen ! Cinq adaptations de l’opéra de
Bizet : arabo-andalouse avec une Carmen des Mille et une nuits
et un mariage issu de deux cultures musicales, une version dansée
hip-hop, un film où Charlot joue Carmen, une version contemporaine
sénégalaise et enfin le film de Jean-Luc Godard : « Prénom
Carmen ».
L’amie qui m’a
fait bénéficier d’une invitation me dit : « Oui il
faut rejouer, les jeunes ne connaissent pas , des versions plus
modernes, bien-sûr ».
Bizet s’est donc inspiré
de cette nouvelle pour écrire son opéra-comique.
Il n’a hélas
connu de succès que posthume, la première ayant été un fiasco. Le
public n’était pas prêt à accueillir et apprécier ce genre de
sujet.
Carmen est une gitane séductrice, habitant
Séville. D’un tempérament fougueux elle déclenche une bagarre
dans la manufacture où elle travaille. Le brigadier Don José est
chargé de la conduire en prison, mais il succombe à son charme et
la laisse s’échapper.
Carmen était-elle une femme
rebelle ? Une femme libre ? Une femme qui se voulait libre
d’aimer, c’est sûr. Était-elle peu encline à subir les
contraintes sociales qui pesaient sur les femmes de son époque
?
Elle séduit Don José, puis se lasse, s’amourache d’un
autre. Don José franchit la ligne rouge sang qui sépare la jalousie
ordinaire de la pathologie, il la tue et va en prison (à sa place?).
La version
mi-théâtrale, mi-lyrique est interprétée avec brio par Rosemary
Standley dont la voix et puissante et vibrante, accompagnée par cinq
jeunes instrumentistes féminines (flûte, accordéon, harpe, violon,
saxophone) et mise en scène par François Gremaud. L’homme propose
et les femmes disposent ?
Je m’interroge sur ce
qu’aurait donné un spectacle avec une femme metteur en scène,
c’est à dire chef de ce projet. Peut-être que la femme libre que
représente Carmen aurait eu un destin moins funeste ?
Quelque chose qui
n’a rien d’anodin m’interpelle : dans cette forme de
performance remarquable de « one women show », c’est
encore la femme Rosemary-Carmen qui se coltine la majeure partie du
boulot scénique, ou presque, avec celles (les instrumentistes
talentueuses) qui pourraient être ses filles.
Oui c’est prouvé,
elle peut largement rivaliser avec des hommes seuls en scène et même
les dépasser.
La musique de Bizet
est certes joyeuse et son œuvre traverse le temps depuis 1875, oui
la vie aussi. Mais la vie de qui ?
Hélas, les
féminicides aussi se répètent (environ 89 000 en 2022).
Est-ce la raison du succès de longue haleine de Carmen (c’est
l’opéra le plus joué dans le monde), encore d’actualité ?
Carmen
est morte une fois de plus à Compiègne, dans une joie voulue, mais
elle est quand même morte.
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